Atlantico - Mai 2016 : Negocier avec son enfant

Atlantico.fr : Comment faire pour bien "négocier" avec son enfant ?

Pascal Anger: Ce qui est difficile dans l’éducation, c’est de savoir se faire obéir. Faut-il se faire obéir à coups de promesses, de récompenses ou de punition ? Tout d’abord, il est primordial d’être en cohérence avec l’autre parent pour éviter que l'enfant ne se tourne plus vers le plus gentil des deux et pour définir le mode éducatif : soit plutôt “copain”, soit rigide ou entre les deux.

Est-ce qu’on va être plus rigide avec son enfant ou au contraire être plus conciliant ? Il y a des domaines ou on peut se placer dans une écoute active et négocier, et d’autres ou il faut se montrer intransigeant. Il faut établir des règles et ne pas négocier sur tout, comme par exemple la propreté, le respect, les règles de fonctionnement au sein du foyer, en particulier avec les jeunes enfants. Il ne faut cependant pas négocier tout le temps et pas sur tout.

Autrement, si l’enfant est dans une demande ou a besoin de parler, le parent doit être à l’écoute et ne pas dire non à tout. Cela ne signifie pas qu’on acceptera tout, mais cela veut dire qu’on sera en mesure d’entendre sa demande et de se mettre à sa place.

A : Cela donne-t-il de meilleurs résultats que de donner des ordres ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?

PA : Je crois qu’il est important d’expliquer à l’enfant pourquoi on veut qu’il fasse ceci ou cela. Dans tous les modes éducatifs, il y a du bon comme du mauvais mais je dirais que cela dépend en fonction des parents et des enfants.

Certains enfants ont besoin de beaucoup de règles et les parents doivent se montrer intransigeants vis-à-vis d’elles et certains enfants avec qui il faut se montrer plus souple. Tout dépend de l'enfant et de ses besoins.

Je pense que dans l'éducation, il faut privilégier la responsabilité et l’autonomie chez l’enfant. Par exemple, le valoriser lorsqu’il réalise quelque chose lui permet de travailler ces aspects-là et de trouver confiance en lui.

A : Est-il sain d'être sans cesse dans une relation de négociation avec son enfant ? N'y a-t-il pas des risques de dérives ?

PA : Pas tout le temps car il y a des risques que, à force de tout négocier, l’enfant dicte aux parents la façon de faire ou ne devienne capricieux, voire ingérable. Il y a des règles de fonctionnement en commun qui doivent être mise en place entre les parents et l’enfant. Il ne faut pas discuter sans cesse avec lui, mais à certains moments, lorsque celui-ci ne comprend pas pourquoi on lui a mis une punition, on peut revenir vers lui et lui faire comprendre pourquoi.

Mais il faut à tout prix éviter que l’enfant fasse des choses de telle sorte qu’il obtienne une récompense. Des enfants vont se dire “Je sais comment mon père ou ma mère fonctionne et donc je sais quel comportement adopter pour obtenir une récompense.”

Une autre chose que l’on rencontre assez souvent correspond à la promesse de récompense lorsqu’on demande à un enfant de faire quelque chose du type “Quand tu auras terminé ceci, tu auras cela.” Cela peut avoir du bon, mais cela ne responsabilise pas l’enfant car ce n’est pas une négociation qui lui permette de comprendre en quoi son action est importante. D’ailleurs, il ne faut surtout pas confondre éducation et manipulation, que ce soit du côté des parents ou des enfants, ni tomber dans du chantage affectif.

A : A l'inverse, quels sont les risques à donner sans cesse des ordres à son enfant (négation de ses sentiments ou de son ressenti, ne pas lui donner le choix etc…) ?

PA : Donner des ordres pour donner des ordres ne se révèlent pas très intéressant. Il y a un risque que l’enfant finisse par se rebeller car il en aura assez, qu’il ne soit plus en capacité de prendre des initiatives de peur de mal faire, de ne pas oser dire certaines choses ou qu’il ne sente pas en confiance vis-à-vis de son père ou sa mère. Il ne faut pas confondre autorité et autoritarisme. L’autorité est importante, surtout avec les adolescents car ils en ont besoin pour être bien encadré.